Pour 3 travailleurs sur 4, les négociations salariales restent un sujet tabou
En 2024, parler du salaire ou le négocier avec son dirigeant demeure un sujet tabou. 74 % des travailleurs n'ont encore jamais négocié leur rémunération. Fort heureusement, les jeunes salariés sont en passe de briser ce tabou, en le muant en point de discussion avec leur dirigeant. C'est ce qu'a établi une étude* réalisée par le prestataire de services RH Tempo-Team en collaboration avec la professeure Anja Van den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven.
D'après ce rapport, 27 % des travailleurs estiment que leur salaire, ou la façon dont sont accordées les augmentations ne sont ni honnêtes ni équitables.
Ce manque de transparence et l'absence de marges de négociation de la rémunération avec la hiérarchie empêchent une communication ouverte et constructive à ce sujet. 73,9 % des travailleurs n'ont jamais négocié leur salaire ; près de 1 sur 2 (48,5 %) déclare en outre n'avoir jamais eu ni le temps ni la possibilité d'en parler avec son patron, alors que 39,5 % reconnaissent n'avoir jamais osé franchir le pas.
Par ailleurs, il appert que seulement 23 % des travailleurs sont au courant des règles et procédures en vigueur pour déterminer la rémunération. Et bien qu'une majorité (55,3 %) aimerait décider par elle-même de la façon dont est composée sa rémunération, seul un quart (25 %) a réellement la possibilité de recourir au plan cafétéria.
"Les gens se comparent volontiers à leurs semblables et ont tendance à penser qu'ils gagnent trop peu par rapport aux autres. Mais quand on estime avoir droit à une majoration salariale, il est important d'oser aborder le sujet. Cela donne à l'employeur la possibilité d'expliquer ce qu'il attend en échange et quelle est la politique salariale de l'entreprise. Celle-ci a d'ailleurs tout intérêt à se montrer transparente et ouverte sur le sujet, et donc de détailler le salaire attribué à chaque poste. Notre étude montre en effet une nette corrélation entre la satisfaction au travail et la rémunération, le plaisir ressenti au travail et la productivité", explique Sébastien Cosentino, porte-parole de Tempo-Team. "La transparence totale des salaires, en revanche, est contre-productive, comme l'enseigne la littérature."
Des négociations de moins en moins inconcevables pour les jeunes, mais qui le demeurent pour les femmes
Cela dit, on apprend aussi que les travailleurs plus jeunes (18-34 ans) hésitent moins à négocier leur salaire : plus de 31 % l'ont déjà fait (contre seulement 23 % des travailleurs âgés de 35 à 54 ans et 22 % de ceux ayant plus de 55 ans). Près de 40 % des répondants plus jeunes envisagent des opportunités de parler salaire avec leur patron (contre respectivement 29 et 24 % pour les deux autres catégories d'âge). En outre, 42 % de ce groupe osent négocier leur rémunération avec leur patron, contre 39 % pour le groupe des 35 à 54 ans et 37 % pour celui des plus de 55 ans.
L'étude révèle également de fortes disparités entre sexes : parler salaire semble nettement plus difficile pour les femmes que pour les hommes. Elles ne sont que 17 % à avoir déjà discuté rémunération avec leurs supérieurs, contre 31 % des hommes. Seuls 24 % d’entre elles peuvent entrevoir des marges de négociation ou un moment adéquat, contre 39 % des hommes. Et ces derniers sont 47 % à oser parler rémunération ou augmentation salariale avec leur supérieur hiérarchique, contre moins de 30 % des femmes.
"Ces résultats corroborent les stéréotypes qui dominent en entreprise : les jeunes seraient mieux capables de défendre leurs intérêts, et les femmes pas assez audacieuses pour négocier. Et justement, ces stéréotypes empêchant certains groupes de franchir le pas font en sorte qu'ils sont moins informés sur la façon de négocier, les techniques à adopter, les personnes à qui s'adresser. La culture de l'entreprise joue un rôle déterminant : elle peut renforcer les stéréotypes, ou au contraire jouer la carte de l'ouverture, ce qui facilite les pourparlers. En général, les négociations des femmes semblent plus fructueuses lorsqu'elles s'efforcent de collaborer, en exprimant loyalement leurs besoins et cherchant une solution où tout le monde est gagnant, plutôt que privilégier la compétition et mentir ou bluffer pour obtenir un avantage supérieur", commente la professeure Anja Van den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven.
5 tuyaux pour bien négocier son salaire
Oser franchir le pas : Entamez des négociations avec une attitude positive, mais professionnelle. Écoutez le point de vue de votre supérieur et soyez disposé à trouver un compromis. Parfois, obtenir le salaire souhaité n'est pas possible, mais des conditions peuvent être améliorées ou d'autres avantages obtenus. Faites preuve de souplesse et d'ouverture dans les discussions.
Bien connaître sa valeur : Avant de commencer les négociations, il est essentiel de savoir quelles compétences et expériences ont vraiment de la valeur dans l'entreprise et/ou sur le marché du travail. Essayez de connaître les rémunérations des fonctions comparables dans le secteur d'activité ou la région.
Se fixer un minimum : Déterminez un salaire idéal, mais aussi une limite inférieure en fonction de votre valeur professionnelle sur le marché du travail, de votre expérience et des conditions spécifiques à la fonction. Si vous demandez à bénéficier d'une exception à la règle générale, précisez que vous en êtes parfaitement conscient (vous connaissez quelqu'un qui gagne autant dans votre fonction, mais…).
Être bien préparé : Examinez ce qui peut être négocié au sein de l'entreprise, à quel moment et avec qui. Exposez vos arguments et donnez des exemples de vos performances, de vos réussites ainsi que de votre valeur ajoutée. Pour renforcer vos arguments, utilisez des résultats et des prestations tangibles.
Se concentrer sur le salaire global : Le salaire n'est qu'une partie de la rémunération globale. Négociez aussi des avantages secondaires comme les bonus, un horaire flexible, des jours de congé, l'obtention d'une voiture de société, des possibilités de formation, un régime de pension, des avantages santé, etc. Autant de choses qui contribuent à améliorer le salaire, mais également la satisfaction et le plaisir ressentis au travail.
* C'est ce qui ressort d'une enquête menée par Tempo-Team auprès d'un échantillon représentatif de 2500 travailleurs, en collaboration avec la professeure docteure Anja Van den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven.